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Le Facteur de Balafons

Étrange… Étrange, en effet, de rencontrer un artisan facteur d’instruments d’origine africaine dans une contrée telle que la Vallée de Joux, bien loin du fleuve Niger et du golfe de Guinée. Et pourtant, Claude Luisier en fabrique depuis 36 ans dans son petit village du Séchey, avec une dextérité reconnue et validée par les plus grands musiciens africains qui viennent régulièrement faire leur marché en terre combière.

Le balafon, bala ou balani

Le premier balafon serait né dans le Royaume de Sosso (XIIe siècle), entre la Guinée et le Mali. Ce balafon existe encore et est nommé Sosso Bala. C’est un instrument de percussion idiophone mélodique, une sorte de xylophone comportant généralement entre 16 et 27 notes produites par des lames de bois que l’on percute avec des baguettes et dont le son est amplifié par des calebasses disposées en dessous. Particulièrement présent dans la musique mandingue où son existence est attestée depuis le XIVe siècle, on retrouve des balafons dans de nombreuses régions d’Afrique, tous différents. Certains sont très sophistiqués, d’autres très simples ; on en trouve aussi de gigantesques.

Les prémices

Au début des années 70, un vinyle de musique malienne atterrit chez Claude Luisier, alors en formation de bûcheron. Le disque, enregistré dans un village de brousse, dévoile des polyphonies vocales accompagnées par des tambours. Une plage particulière l’intrigue : quel est cet instrument qui mélange rythme et mélodie dans une telle virtuosité ? Le bûcheron en devenir est envoûté. Quelques années plus tard, en 1982, il rencontre un musicien genevois ayant construit son propre balafon. Touché par l’intérêt manifeste de Claude, il lui propose de l’aider à fabriquer lui-même son instrument. Après une longue réflexion, Claude abandonne la tronçonneuse et la hache, mais reste fidèle au bois : il fabriquera des instruments magiques à l’aide de bois exotiques et précieux qui feront résonner la culture africaine sur les scènes du monde.

L’atelier

Allier les saveurs du rêve, de la passion et de la musique aux réalités des exigences de la patience et de la production est une affaire d’équilibriste. L’intransigeance face à son travail et le souci de perfectionnisme ne jouent pas toujours la partition de la productivité. La vie insufflée à un instrument de musique nécessite un soin très particulier et une disponibilité sans faille. Claude devient sculpteur de sons. Chaque note et chaque résonateur lui correspondant forment une unité acoustique dont la brillance ne relève pas du hasard. De par sa structure moléculaire, chacune d’entre elles a sa dynamique propre qu’il faut équilibrer avec toutes les autres.

La relation très étroite des fréquences entre résonateurs et lames est capitale : éventez-la de quelques modestes fractions de tons et voilà le travail déprécié. À certains moments, la perception auditive paraît si subjective que les repères s’estompent. Alors il vaut mieux s’arrêter, attendre, poser un instant son esprit dans d’autres paysages. Le véritable rôle du facteur de balafons se situe à toutes ces intersections sonores et dans leur mise en place.

Le balafon

Du débitage brut au braisage et façonnage des lames, de l’accordage au montage, de la fabrication des corps de résonance à la construction du châssis, des réglages des fréquences aux finitions les plus fines, la construction d’un balafon de concert de 21 lames demande plus de 200 heures de travail. Le bois des lames, en général du padouk, pau-rosa et wengé, est issu de lots dont le séchage à l’air libre a été poussé entre 12 et 25 ans. Ils subissent également l’épreuve du feu pour obtenir une cristallisation des résines. Les lames d’instrument, ou d’une paire de balafons, sont toujours débitées à partir d’une même planche, ou, à défaut, de la même bille de bois. C’est une des conditions pour l’obtention d’un équilibre de timbre et d’acoustique de très bonne qualité.

www.balafons.ch

Photographies©Anne-Lise Vullioud et Claude Luisier

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